Cent ans de foot à Trégunc

Dans un précédent article, nous avons évoqué la naissance du foot à Trégunc en 1921 et raconté les cinquante années de jeu sur les terrains du Roudouic pour Trégunc-Sports et de Kerbrat pour les Lions de Saint-Marc.
En 1971, les deux équipes fusionnent pour devenir l’Union sportive de Trégunc (UST). En 2021, cette équipe a cinquante ans et joue désormais à un niveau régional ou national, grâce aux efforts de tous et notamment du joueur international Stéphane Guivarc’h qui a partagé ses compétences techniques. Quelques faits marquants du centenaire…

Les derbys Trégunc-Sports
contre Lions de Saint-Marc

Lorsque les Lions de Saint-Marc et Trégunc-Sports, les deux équipes rivales de Trégunc, jouaient dans la même division du championnat, les derbys étaient attendus, parfois redoutés et surtout très fréquentés sur le terrain de Roudouic ou celui de Kerbrat.
Ce n’était pas la guerre des boutons de Louis Pergaud, où les Velrans affrontaient les Longeverne, mais un combat singulier entre « calotins » et « laïcards », les appellations de l’époque. D’ailleurs, à cette occasion, les laïcards chantaient à tue-tête « José N… c’est la calotte, la calotte c’est José N… »
Lors de ces matchs, le concours de pronostic était très apprécié. Il fallait prévoir le score final et, pour gagner le concours, être le plus proche possible du nombre exact de réponses, lequel était situé entre deux et trois cents.
Parfois, le sport se déroulait plus derrière la main courante que sur le terrain.
Sur les dix-huit derbys disputés de 1949 à 1968, les Lions sont sortis vainqueurs par dix matchs gagnés contre huit à Trégunc-Sports. Les Lions ont marqué cinquante buts et Trégunc-Sports quarante-cinq.

Le public dans les tribunes lors d’un match de football au stade de la Pinède (coll. UST)
Les “Bulgares” de Névez

Il y a toujours eu des rivalités entre les habitants de Névez et ceux de Trégunc, notamment lors des matchs de foot. Selon les supporters de Trégunc, les dirigeants de Névez désignaient comme capitaine le joueur qui shootait le plus haut. Un joueur de Trégunc ne pouvait fréquenter une fille de Névez, et encore moins se marier au pays “des clochers courts”, sans s’attirer les foudres du public. Une radiation sur la feuille de match était parfois nécessaire afin de calmer les esprits chauvins.

Les arbitres harcelés

Les arbitres étaient constamment la cible des supporters. Que n’avons-nous pas entendu lors de ces matchs. Le hors-jeu était très souvent litigieux, les coups de main à la Maradona ou à la Thierry Henry assuraient parfois la partie. Les arbitres de touche étaient souvent d’anciens joueurs ou dirigeants de chaque équipe et cela créait une source de conflit.

La buvette et les bistrots de sportifs

En 1980, un arrêté préfectoral faillit supprimer ce lieu de convivialité. La buvette, espace de rencontre avant le match, à la mi-temps et surtout en fin de match, où le rouge d’Algérie à 14° coulait à flots et donnait de la couleur aux supporters de chaque camp.
La troisième mi-temps se poursuivait très souvent dans les bistrots attitrés de chaque équipe. Le dimanche en fin de soirée, les résultats des matchs locaux et régionaux étaient affichés dans le bar de Phine-Jany et au Café des Sports d’Édouard Sellin, place de l’église. Le lundi matin, chez Phine-Jany, Jos Querroué refaisait le match, une sorte de débrief à la bretonne.

Le terrain des sports de la Pinède

Les équipes de Trégunc-Sports jouaient sur le terrain de Roudouic, accessible par la petite route de Grajine. Ce terrain était aussi utilisé par les écoles publiques de Trégunc, notam­ment dans sa première partie où se déroulaient les kermesses des écoles et du club. Le terrain des Lions de Saint-Marc était situé à Kerbrat, sur la route de Lambell.
En 1961, la municipalité d’Auguste Picart acheta le terrain de Beg Rouz Vorc’h aux héritiers Cariou ; le stade devint opérationnel en 1968 et les deux équipes s’y produisirent à partir de 1969. Lorsque les deux équipes jouaient à domicile, l’une ou l’autre devait jouer au stade de l’USC à Concarneau. En 1971, la municipalité de Paulette Lecroc favorisa la fusion de Trégunc-Sports et des Lions de Saint-Marc pour former l’UST.
Le 18 août 1982, les tribunes du stade de la pinède étaient inaugurées. En 2010, le terrain nord était équipé en gazon synthétique.

Vue aérienne IGN en 1968 :
le terrain de Kerbrat (1),
le stade du Roudouic (2)
et le stade de la Pinède (3)
en travaux

Six personnalités qui ont marqué le foot à Trégunc

Bien sûr, les dirigeants, les bénévoles et les joueurs amateurs ont consacré de nombreux dimanches au foot et réjoui les supporters et spectateurs ; depuis 1921, quelques joueurs ont particulièrement enthousiasmé le public.

Pierre Cariou 1907-2003 à Trégunc-Sports

Avant la Première Guerre mondiale, le club de foot de Trégunc s’appelait « Les Écureuils », et le gamin de sept ans tapait déjà sur un ballon fait en vessie de porc. En 1921, à 14 ans, Pierre a intégré la nouvelle équipe lorsque Julien Pochard (médecin au bourg) et René Daniel (nommé instituteur à Trégunc en 1921 puis à Saint-Philibert en 1925) ont créé le club Trégunc-Sports, plusieurs sports étaient envisagés. Certains commerçants de Trégunc participaient à l’aventure : Jean-Marie Drouglazet, Pierre Bourhis, Yves Péron, François Briant, il y avait aussi des instituteurs : René Daniel, Joseph Jeannes et plus tard Gaby Allot.
Lors de la rafle du 23 mai 1944, Pierre a été arrêté. Dénoncé et trahi par ses deux doigts manquants, à la suite d’un accident du travail en menuiserie, il fut déporté au camp de Neuengamme. Libéré le 29 avril 1945, remis sur pied, il a repris son métier et animé les fêtes locales : le pardon, la kermesse des écoles, le Mardi gras où il faisait preuve d’imagination. Jusqu’à son décès en 2003, à 95 ans, Pierre fut un fervent supporter de la nouvelle équipe de l’UST.

Spectateurs assidus, Pierre Cariou, bras croisés, caquette de marin sur la tête (Coll. Naviner)
Jos Querroué 1921-2002 à Trégunc-Sports

Jos est né l’année de la création de Trégunc-Sports à Trégunc en 1921. Le club était affilié à Ligue Ouest de Football Amateurs et René Daniel en était le secrétaire.
Bien que marchand de cycles dans la rue de Concarneau et réparateur dans son atelier de la vieille route de Concarneau, Jos Querroué ne serait pas coureur cycliste mais joueur de foot. En 1934, il jouait dans l’équipe réserve (B) du club. Vers un destin de futur pro, il a joué aussi à l’USC et à l’Hermine, les deux clubs de Concarneau.
À seize ans, il était inscrit sur la feuille de match de l’équipe première de Trégunc-Sports. Pendant quarante ans, il a occupé soit le poste d’avant-centre, soit celui d’ailier gauche, capitaine de l’équipe et aussi meilleur buteur de Trégunc-Sports. Jusqu’en 1961, il arpentait la surface de jeu à la recherche du meilleur angle de tir.
Dans les années 1960, les deux équipes se classèrent en troisième ou deuxième division. La municipalité de Paulette Lecroc souhaitait la création d’une seule équipe à Trégunc, la fusion fut réalisée le 25 juin 1971, Jos en devint président de 1971 à 1976 puis président d’honneur jusqu’en 2002.
Il reçut la médaille d’argent du ministère de la Jeunesse et des sports en 1981. Durant sa vie à Trégunc, il participa comme acteur ou dirigeant à plus de 1500 matchs. Un sacerdoce !

(coll. UST)
Yves Marzin, 1920-1999, aux Lions de Saint Marc

Yves Marzin, originaire de Briec, fut nommé vicaire à la paroisse de Trégunc en 1946. Grand sportif devant l’Éternel, il recréa l’équipe des Lions en 1946. Cette équipe mise sur pied par l’abbé Bellec, et portant le nom du patron de la paroisse, avait joué de 1922 à 1926.
Lʼabbé Marzin a ressuscité la guerre scolaire à Trégunc et l’a déplacée également sur le terrain de sport. Après les vêpres, les dimanches de derby à Roudouic ou à Kerbrat, c’était laïcs contre cathos. Il n’hésitait pas à troquer sa soutane pour le maillot bleu des Lions et à livrer bataille sur le terrain. Lʼodeur de camphre régnait dans les vestiaires, les joueurs étaient chauffés à blanc.
Dans la revue mensuelle le Kannadik, l’abbé Marzin rédigeait avec un certain chauvinisme des commentaires enflammés sur les Lions. Il fallut attendre 1967, avec le recteur Jean-François Loaëc, pour que Trégunc-Sports apparût également dans la rubrique sportive du Kannadik, prémices d’une fusion envisagée des deux équipes, notamment par Yves Dagorn, président des Lions.
Après huit années à Trégunc, l’abbé Marzin rejoignit Audierne puis l’Île de Sein de 1968 à 1975. Pendant cette période, il res­taura la petite chapelle située près du phare et dédiée à Saint-Corentin. En 1975, l’abbé Marzin fut nommé recteur de Lanvéoc, jusqu’en 1987, puis il se retira dans cette ville. En 1996, Yves Marzin intégra la maison de retraite du Missilien à Quimper où il décéda en 1999.

Lʼéquipe des Lions de Saint-Marc avec l’abbé Marzin en 1947 (coll P. Bourhis)
Jean Guillou, 1925-2008, aux Lions de Saint-Marc

Jean était boucher rue de Saint-Philibert. En semaine, il exerçait dans son abattoir de Grajine et le dimanche, quand il n’était pas à la chasse, il excellait sur la ligne de but et n’hésitait pas à aller au contact. Un régal pour la galerie très nombreuse, particulièrement lors des derbys, de voir cette “bête” se démener rageusement dans sa cage. Les attaquants stressaient beaucoup à l’approche des dix-huit mètres et des poteaux gardés par Jean Guillou.
Jojo Le Maout, autre boucher de Trégunc mais de la vieille route de Concarneau, remplaçait parfois Jean Guillou dans les buts.
Dans les années 1960, une équipe de jeunes de Lambell, Kervren et Trémot, encadrée par Jean Guillou, fit les bonheurs des Lions dans les classements.

Les Lions de Saint-Marc en 1961 ; Jean Guillou, gardien de but, debout, troisième en partant de la gauche (Coll. H Ollivier)
Pierre-Yves Guivarc’h, aux Lions de Saint-Marc, à Trégunc-Sports et à l’UST

Comme Jos Querroué, Pierre-Yves est né avec un ballon dans les pieds. Excellent dribbleur et tireur de coups francs hors pair, marqueur de buts en tout genre, c’est l’homme-orchestre de son équipe et, plus tard, de celle de l’UST. Pierre-Yves a transmis son art à son fils Stéphane.
Pierre-Yves a joué aux Lions et à Trégunc-Sports, c’est la raison pour laquelle il œuvra pour la fusion des deux équipes en 1971, il en devint naturellement le capitaine. En 1981, le ministère de la Jeunesse et des sports lui attribua la médaille de bronze pour son dévouement au football.
Pierre-Yves mourut en 2021, l’année du centenaire du foot à Trégunc et du cinquantenaire de l’UST.

Les Lions de Saint-Marc, saison 1962-63 ; Pierre-Yves Guivarc’h, deuxième accroupi en partant de la gauche. (Coll. P Moutel)
Stéphane Guivarc’h, à l’UST
et en équipe de France

Habitant à proximité du stade de la Pinède, très jeune il voyait son père et les joueurs s’adonner au foot ; alors Stéphane s’impliqua totalement dans ce sport, jusqu’à devenir champion du monde en 1998 avec l’équipe de France. En 2001, contrarié par une douleur au genou, Stéphane prit sa retraite sportive à Trégunc.
Il devint conseiller technique dans son club d’origine. Pendant ces dernières années, il amena l’UST de promotion aux divisions régionales et, cerise sur le gâteau, à la division nationale 3 en 2020. Mais l’équipe redescendit l’année suivante pour remonter en national 3 en saison 2021-2022. À ce niveau, antichambre des pros, il fallut embaucher quelques pointures hors de la commune pour essayer de se maintenir au niveau des autres clubs… saison difficile, en bas de classement !

Après la coupe du monde 1998, Stéphane Guivarc’h reçoit un accueil chaleureux à Trégunc. (Bulletin municipal n°4 – 1998)
L’équipe de Trégunc-Sports en 1947 (coll. J. Sellin)

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