Yves Grall recteur de Trégunc de 1904 à 1932

Yves Marie Grall est né le 17 juin 1854 à Landivisiau (Finistère). En 1874, il entre au séminaire et accède à la prêtrise en 1878. Il est d’abord vicaire à Saint-Renan puis à Lambézellec. En 1887, il est nommé recteur à Bénodet et, en 1904, à Trégunc. En 1932, il reçoit le titre de chanoine honoraire et prend sa retraite à Landivisiau où il décède en fin d’année
Le 22 septembre 1902, le pouvoir interdit au clergé de prêcher en breton. En 1903, Émile Combe, président du Conseil et anticlérical notoire, prononce trente et une suppressions de traitement à des prêtres1 finistériens pour usage abusif du breton.
À Bénodet, le recteur Yves Grall reçoit la visite d’un inspecteur. Ce dernier lui demande si le catéchisme est enseigné en breton, il répond par l’affirmative, le français est employé pour ceux qui le demandent, ils forment l’exception. Il rend compte par lettre à l’évêque de Quimper de cette visite en terminant ainsi : « Qui est ce Monsieur ? Je ne saurais le dire. Il ne m’a pas décliné de nom et qualité. Je n’ai pas jugé à propos, non plus, de les lui demander. Il est très probable que c’est monsieur le commissaire de police de Quimper et que son enquête aboutira à la suppression de mon traitement. J’en serai tout fier ». Cette sanction ne lui fut pas appliquée.
À Trégunc en 1904
Le 28 mars 1904, une loi interdit l’enseignement par des religieux appartenant à des congrégations religieuses. En 1907, le préfet ordonne la fermeture de l’école des filles du Saint-Esprit à Trégunc. Le recteur Grall soutient les sœurs. En 1909, les religieuses sont condamnées par la cour de Rennes à une amende et à fermer l’école. Mais en cassation, elles sont autorisées à continuer leur œuvre.
En 1929, le recteur et ses vicaires récoltent des fonds pour la construction d’une école de garçons. Lʼécole Saint-Marc ouvre en 1931. Les enseignants, quatre frères maristes, sont tenus d’enseigner en tenue civile et non en soutane. Le recteur dénonce cette persécution religieuse. Après avis de leur congrégation, les frères se plient à cette exigence. À la suite d’une loi de 1942 (sous Pétain), les religieux pourront se remettre en soutane.
Lors de la Révolution, l’État s’approprie les biens du clergé, qui deviennent biens nationaux. Ceux-ci sont généralement vendus aux enchères. Le presbytère de Trégunc est alors acheté par le citoyen Brandon qui le revendra à Joseph Prouhet. En 1804, il appartient à Joseph Prouhet, notaire et maire, qui le vend à la commune. Les religieux sont locataires. En 1905, le recteur sʼoppose avec force aux inventaires des biens de lʼéglise.
L’affaire du presbytère
En 1932, le recteur Grall, fatigué et malade, envisage de prendre sa retraite. Le maire veut récupérer le presbytère, jouant sur le fait que le bail a été signé par le sieur Grall et non par le recteur Grall. Lors de la séance du conseil municipal du 31 juillet 1932, le maire propose « que le presbytère soit repris par la commune pour cause d’utilité publique… Cet établissement serait affecté à l’aménagement d’une mairie et d’un bureau de poste ; le jardin servirait à créer une place publique ». Le conseil approuve et émet l’avis que « notification soit donnée aux ecclésiastiques occupant le presbytère du congé signifié à Monsieur le recteur Grall ». Ce dernier refuse et engage un procès contre le maire.
Yves-Marie Grall décède rue du Manoir à Landivisiau le 24 novembre 1932. Joseph Grall, tanneur à Landivisiau, devient légataire universel d’Yves-Marie Grall et, à ce titre, représente son oncle décédé. En appel, le procès est perdu : « … Attendu que par exploit en date du 11 février 1933 le demandeur es-qualité a demandé à Monsieur le juge de paix de valider le congé donné à Monsieur Grall… par exploit en date du 26 juillet 1932 et dire en conséquence qu’Yves Grall sera expulsé corps et biens… Il plaira à Monsieur Grall aujourd’hui représenté par son légataire universel, Monsieur Joseph Grall, qu’il n’a pas droit à la prolongation du bail litigieux. »
Les recteurs qui succéderont à Yves-Marie Grall ne seront jamais expulsés, mais auront des problèmes à chaque renouvellement du bail. Un nouveau presbytère sera construit en 1960.
À noter :
La cloche actuelle de la chapelle de Kerven en Trégunc porte la mention “Y.M. Grall recteur de Trégunc 1925”. La croix processionnelle argentée a été achetée par le recteur Grall en 1932, année de son départ de Trégunc.
Aux archives départementales à Quimper est classé (cote 1 J 1068) un dossier contenant les écrits d’Yves-Marie Grall comprenant :
- sur plusieurs cahiers, ses sermons en français et en breton,
- plusieurs homélies prononcées en français à l’occasion de mariages dans les années 1920,
- un cahier sur les réunions de la fabrique, non datées,
- un cahier conférences pour une retraite d’enfants en breton,
- un feuillet sur la retraite des enfants en breton,
- un feuillet imprimé du Credo en breton où figure en bas de la première page : « les rythmes de nos vieux chants bretons ne comportent pas l’emploi de rimes féminines »,
- lettre de la nomination par l’évêque de Quimper du recteur Yves-Marie Grall comme chanoine.
- En 1790, pour donner suite à la Constitution civile du clergé votée par l’Assemblée constituante, les prêtres sont salariés par l’État et ne dépendent plus directement du pape. ↩︎



