Une enfance sur la côte avec les pêcheurs de Pouldohan et Pendruc

Travail de l'érosion entre Pendruc et la pointe de la Jument (pédogénèse)
Travail de l’érosion entre Pendruc et la pointe de la Jument (pédogénèse)

Je suis originaire du village de Pendruc et membre d’une famille où tous les hommes sont ou ont étémarins pêcheurs. Ce que j’apprécie le plus, ce sont les évocations, les descriptions de la vie des gens qui vivent de la mer et sur la mer, et j’ai toujours la nostalgie de cette vie de marin que j’ai eu l’occasion de connaître dans ma jeunesse

J’ai bien connu Concarneau avec ses dundees armés à la pêche au thon (1945 à 1950), avec cette floraison de voiles de toutes les couleurs hissées à sécher et qui faisaient le bonheur d’une ribambelle d’artistes peintres.
Pour ma part, j’ai plus particulièrement connu la pêche artisanale avec mes grands-pères, retraités de la pêche au large.

Le Duc d’Aumale

L’un possédait un canot à misaine au tiers construit au Guilvinec et immatriculé à Concarneau, je ne me souviens pas du numéro mais il s’appelait le Duc d’Aumale.
Notre terrain de chasse, si j’ose dire, se situait dans un périmètre Pouldohan (Pors Breign), abri d’attache, Pointe de Trévignon, les Glénan et la côte de Fouesnant. C’est là que nous pêchions le maquereau et le lieu, à la traîne, quatre lignes dehors, deux sur tangons, deux sur la chambre* ou bien, par calme plat, au mouillage avec de la gleur ou strouil (appât jeté à l’eau pour attirer le poisson).

La vente de la pêche

 Levés à trois heures et demie ou quatre heures du matin, nous rentrions à midi ou plus tard, en fonction du vent. La vente se faisait à Concarneau ou, selon les vents et la pêche, dans les fermes et pentiez proches de notre lieu d’habitation.
J’étais bien jeune (dix ou douze ans) mais je suivais mon grand-père dans ses déplacements et il n’était pas rare de faire une dizaine de kilomètres (aller et retour) à travers champs et par les garennes afin d’écouler notre pêche.
Mon autre grand-père avait une plate à voile avec une dérive, qui s’appelait le Gare qui touche et qui n’hésitait pas, après avoir mouillé ses filets autour du Men Du (à la pointe de Trévignon, port d’attache) à aller traîner au maquereau jusqu’à la pointe de Mousterlin, quand le temps le permettait. Il fallait quand même le faire.

Manœuvrer à la voile

Je me souviens aussi de mes grands-pères lorsqu’ils armaient à la pêche aux casiers, fin février début mars, là aussi en fonction du temps ; quelle technique de manœuvre quand il fallait, à la voile, saisir les bouées au ras des roches !

Misainier l'Albatros de Jean-Marie Sellin
Misainier l’Albatros de Jean-Marie Sellin vers 1945

Le misainier de Jean-Marie Sellin, grand-oncle d’Yves Dizet, vers 1945 ;
petit bateau de pêche très répandu sur la côte sud de la Bretagne,
dans la première moitié du XXe siècle.

Partir au petit matin

Je me souviens également des départs matinaux, le jour n’étant pas encore levé, quand tous les marins du coin (Pouldohan, Pors Breign) se retrouvaient sur la plage pour mettre les annexes à l’eau et rejoindre leur canot (une trentaine d’unités). Puis on entendait dans la nuit les drisses couiner, malgré le graissage à la couenne de lard, lors du hissage des misaines, les interpellations des marins sur leur destination et l’endroit où pourrait se trouver le maquereau ce jour-là. Alors les chaînes des corps-morts glissaient le long du bord et, enfin, le canot se déhalait et taillait sa route.
Il est évident que cette vie était une vie de travail et pas forcément gaie ; ces marins qui partaient tous les jours, c’était pour le gagne-pain. Les conditions étaient difficiles en cette fin de guerre mais pour moi, gamin, c’était extraordinaire, et je préférais cela que d’aller à l’école !
Je crois que l’on apprécie d’autant plus le contenu de ces récits que l’on a vécu une tranche de sa vie dans ces conditions.

Yves Dizet de Pendruc dit pod bihan Youn Kerhoular.

* Chambre : caisson à l’arrière du canot qui servait de siège au barreur, de poste de travail (boëtte, couteau) et qui, fermé à clé, permettait le rangement du matériel de pêche, de l’outillage, etc.

Pour en savoir plus sur ce petit bateau de pêche à voile, un site : lamisaine

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Un commentaire

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  1. Ouf ! Que d’émotions a la lecture de cet écrit!
    Je dois dire que j’ai fait également cette experience beaucoup plus tard
    Mais que de souvenirs et la larme a appuyé mes sensations
    Bonne continuation aux encore vivants
    Bises à tous
    Jacou