Trégunc et le Tour de France

Le Tour de France cycliste traverse une fois encore le bourg de Trégunc, le 11 juillet 2018, à l’occasion de la 5e étape conduisant les concurrents de Lorient à Quimper, étape longue de 203 km. Le Tour passe ensuite à Concarneau puis chaloupe à travers les Montagnes Noires par un profil particulièrement hérissé et sélectif.

Cette étape n’est pas sans rappeler celle qui se déroula en 1939 – ultime Tour de France avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Le tracé, qui allait de Brest à Lorient, traversait Concarneau par les quais, devant les bateaux à voile alignés comme à la parade. Cinq hommes devançaient le peloton : le Luxembourgeois Pierre Clemens, le Hollandais Van Schendel, l’élégant régional Pierre Gallien, le coureur breton Armand Le Moal, de Bénodet, et l’idole des foules, le célèbre René Vietto.

Cette équipée allait traverser Trégunc, augmentée de cinq autres coureurs qui, au prix d’un magnifique effort, rejoignaient les premiers à la sortie du bourg. Il s’agissait des Luxembourgeois Bidenger et Mathias Clémens – frère du précédent –, le régional Albertin Disseaux, le Suisse Karl Litschi et le bouledogue parisien Raymond Louviot, ancien champion de France. Les deux groupes réunis allaient conserver la tête de la course, jusqu’à l’arrivée jugée à l’ancien vélodrome du Moustoir où Raymond Louviot triomphait au sprint de Van Schendel et de Litschi. René Vietto connaissait alors une belle consolation : il endossait le premier maillot jaune de son histoire.

Tour de France 1954

Il faudra attendre 1954, le 14 juillet, pour revoir un passage du Tour de France. Il pleuvait sans discontinuer, ce jour-là. J’assistais au passage des coureurs, devant ma maison natale, pour la première fois de ma jeune exis­tence. J’avais dix ans.
Le chemin emprunté allait dans le même sens qu’en 1939, mais l’étape – la 7e – joignait Brest à Vannes (211 km). Deux kilomètres après le passage à Concarneau, les Bretons de l’équipe de l’Ouest, François Mahé – originaire du golfe du Morbihan – et Émile Guérinel, le méridional Apo Lazaridès, le Suisse Emilio Croci-Torti et l’élégant Périgourdin, Jacques Vivier, étaient rejoints par l’Espagnol Antonio Alomar et le Suisse Fritz Schaër. La présence de ce dernier exacerbait au plus haut point les hommes de l’équipe de France et, notamment, le maillot jaune Louison Bobet, lequel voyait d’un mauvais œil les routiers zurichois tels Ferdi Kubler et Hugo Koblet, notamment, l’attaquer depuis son emprise du poste de leader, lors de la 4e étape Dieppe – Caen. Bobet souhaitait traverser sa Bretagne en conquérant, mais c’était sans compter sur ces trublions helvètes…
Ainsi, Bobet sonna la charge à quelques kilomètres de Concarneau et cela jusqu’à Trégunc où le peloton se regroupa totalement, quelques hectomètres après le passage devant le cimetière, au 107e kilomètre.
Pour mémoire, Jacques Vivier et François Mahé, flanqués du routier-pistard parisien Dominique Forlini, reprirent la direction des opérations, peu avant Quimperlé et, à l’arrivée au vélodrome de Vannes, Jacques Vivier l’emportait devant l’enfant du pays François Mahé, au désappointement de tous les supporters de ce dernier.

Tour de France 1958

En 1958, le 4 juillet, le Tour traversait Trégunc, à l’occasion de la 9e étape Quimper – Saint-Nazaire (206 km). Le peloton passait groupé à Concarneau, tout comme à Trégunc. Le magazine hebdomadaire Miroir-Sprint s’intéressait en particulier au bourg de Trégunc car, dans son numéro du lundi 7 juillet, rendant compte des étapes de Brest, de Châteaulin (contre-la-montre) et de Saint-Nazaire, deux photographies montraient le Tour passant dans le virage de l’église, ainsi que quatre élégantes Tréguncoises, en costume breton du dimanche, placées dans ce virage devant ce qui était alors le presbytère…
Je me souviens particulièrement de cette étape que j’avais vu passer devant ma maison natale. L’après-midi, après le passage des coureurs, j’avais pris mon vélo pour aller à la pointe de Trévignon, rejoindre Daniel Huon que mon père connaissait bien car il officiait sur le même paquebot transatlantique que lui, Le Liberté, en qualité de mousse de sonnerie. Il était alors en permission.
Sur la route de la Pointe, au passage du Huellou, je fus alerté par un petit attroupement. Un jeune venait d’être touché mortellement en traversant la route. L’accident venait d’arriver quelques petites minutes avant mon passage. Ce genre de situation vous marque profondément.

Le passage du Tour de France au bourg de Trégunc en  1958. Le peloton est emmené par Job Morvan devant Marcel  Ernzer et Henry Anglade
Le passage du Tour de France au bourg de Trégunc en  1958. Le peloton est emmené par Job Morvan devant Marcel  Ernzer et Henry Anglade
Spectatrices en coiffe, de gauche à droite, Anna Bourhis, Joséphine (Phine) Guillerm, Marie Guernalec et Marie Duvail
Spectatrices en coiffe, de gauche à droite, Anna Bourhis, Joséphine (Phine) Guillerm, Marie Guernalec et Marie Duvail
Tour de France 1965

Le 28 juin 1965, Trégunc retrouvait le Tour, au passage de l’étape Quimper-La Baule-Pornichet, mais le peloton, après une échappée avortée de l’Espagnol Perez-Francès, du Belge Brands et du Français Rostollan, allait rester groupé durant pratiquement toute l’étape malgré quelques escarmouches vite réprimées. Dans les premières positions du peloton on apercevra le maillot jaune Félice Gimondi et Raymond Poulidor, ce dernier ayant remporté l’étape contre-la-montre, la veille, à Châteaulin, devançant de quelques petites secondes le jeune prodige italien qui commençait à en inquiéter plus d’un. Les Tréguncois garderont aussi le souvenir du coureur plougastellois, Michel Nédélec, de la formation « Peugeot », blessé lors d’une chute dans la première partie de l’étape St Brieuc-Châteaulin. Il avait tenu, la tête bandée, à participer à l’étape contre-la-montre, mais, le lendemain, il avait été lâché lors de la traversée de Douric-ar-Zin et passait à Trégunc, loin derrière le peloton, soulevant à la fois la pitié et l’admiration de la foule. Il poursuivra son calvaire jusqu’à Lorient – exactement Brandérion – avant de monter dans l’ambulance. Sa lutte se révélait surhumaine.

Tour de France 1982

L’édition 1982 du Tour de France, reste, pour Trégunc, l’édition la plus prestigieuse de son histoire. Elle traversait la Bretagne de part en part, lors de la 7e étape Cancale – Concarneau (234,5 km). Après Croissant-Kergos, le peloton bifurquait sur la gauche et gagnait Névez, empruntant aussitôt la route de la Pointe de Trévignon, en longeant les plages. Le soleil inondait la campagne et blondissait la mer. Dès la sortie du territoire névézien, un groupe de 23 hommes se projetait à l’avant et de ce groupe allait jaillir l’échappée décisive, déclenchée à deux kilomètres de la Pointe. Elle groupait le citoyen de Pont-Aven, licencié au club cycliste concarnois, Pascal Poisson, coéquipier de Bernard Hinault, les Belges Wilfried Tackaert, Guy Nulens et Pol Verschuere, enfin les Hollandais Théo de Rooy et Ad Wijnands.

Le Tour de France à Trévignon en 1982
Le Tour de France à Trévignon en 1982

Je commentais la course. J’étais aux anges. Je connaissais chaque pierre du chemin… ou presque, évoquant l’église de Trégunc, inscrite au cartulaire de Landévénec – élite des monuments. Je dissertais sur la roche branlante de Keroul, racontant l’anecdote, plutôt la légende, selon laquelle l’homme, dont la femme n’était pas fidèle, ne pouvait bouger cette pierre. Je n’ai jamais été aussi prolixe, ce qui interpella un parent de Mme Lecroc, alors maire de Trégunc, demandant à cette dernière combien elle avait déboursé pour que Jean-Paul Ollivier déverse autant de bonheur sur Trégunc. Louis Le Pensec, ministre de la Mer, suivait l’étape, debout dans la voiture du directeur de la course, présentant face au vent une abondante crinière qui s’effilochait en volutes au fil des kilomètres.
En entrant dans Trégunc, dans la côte qui suit Roudouic – 230e km -, se disputait le cinquième et dernier « rush Talbot » attribuant des points et des bonifications (6 secondes au vainqueur). Il fut remporté par Théo De Rooy devant Verschuere et Nulens. Il restait 4,5 km à couvrir et l’on allait alors assister à un sprint très serré entre Wijnands et Verschuere. Ce dernier l’emportait d’une demi-roue. L’Australien Phil Anderson conservait le maillot jaune.

Les images du réalisateur Gilbert Larriaga se révélèrent de toute beauté. De plus, Jean-Pierre Le Gac, président du C.C. Concarnois, avait magistralement organisé l’arrivée à Concarneau. L’audace ne lui avait pas manqué. Il fallait être courageux pour mettre en place une telle organisation qui contraste avec les arrivées d’aujourd’hui. En 1982, en effet, et pour la dernière fois dans l’histoire, la tâche incombait aux seuls clubs cyclistes. En l’occurrence, ici, le club cycliste concarnois. Le pari fut tenu.
Il faut, désormais, attendre le 11 juillet prochain pour assister à un nouveau passage du Tour. Ce sera dans la 5e étape, Lorient – Quimper, au Km 42,5. Il sera alors, selon la moyenne des coureurs, entre 13 h 27 et 13 h 30.

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3 commentaires

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  1. bonjour à tousje regarde tous vos articles et là! je vois ces quatres femmes devant le tour de France et je reconnais le visage de Marie Guernalec que je retrouve avec la meme pause que sur la photo de mariage de mes parents (ma mère née à tregunc en 1922 a Kereven connait bien cette femme.je voudrais connaitre son nom de femme ca je fais de la genealogie et je fais partie du CGF29.Je connais trés bien Tregunc et j'y ais encore un peu de familleUne réponse serait la bien venuesalutations Hubert Rivoal