Marguerite Guillou sage-femme

Marguerite Guillou, amiegez (sage-femme en breton) a exercé à Trégunc vingt-huit années durant, de 1933 à 1961, quand il était d’usage pour les femmes d’accoucher à la maison.

Marguerite Guillou, enfant unique du mariage de deux veufs, Joséphine Marion, commerçante à Trégunc, d’une part, et Jean-Pierre, instituteur public à Trégunc, d’autre part, est née au bourg de Trégunc le 14 avril 1912, jour de la tragédie du Titanic. Elle découvre naturellement l’école publique de filles de la rue de Pont-Aven à Trégunc puis, son certificat d’études en poche le 30 juin 1924 à Concarneau, elle continue ses études au collège moderne de jeunes filles à Quimperlé.
À l’issue de ses études secondaires, Marguerite est reçue le 8 octobre 1928 à l’examen d’élève sage-femme à Nantes ; elle entre à l’école de médecine de Brest et en sort diplômée en qualité de sage-femme de première classe le 8 juillet 1933.
N’oubliant pas son Trégunc natal, elle commence sa profession libérale quelques mois plus tard et s’installe route de Saint-Philibert, près de la boulangerie de Joseph Drouglazet.

Marguerite Guillou devant son officine de sage-femme, route de Saint-Philibert, en 1933
Marguerite Guillou devant son officine de sage-femme, route de Saint-Philibert, en 1933

À cette époque, l’hôpital le plus proche se situe en Ville-Close à Concarneau, mais sans maternité, les accouchements se font au domicile de la future maman.
La sage-femme exerce à Trégunc et sur les communes environnantes. Pas de transports publics, peu ou pas de taxis, aussi fait-elle l’acquisition d’un véhicule C4 de marque Citroën, aucunement comparable à ceux qui sillonnent nos routes actuellement… Le 3 août 1933, la préfecture de Nantes (alors Loire-Inférieure) lui délivre son permis de conduire. L’hôtelier Corentin Canévet lui loue un garage attenant à son établissement route de Saint-Philibert.
 Au début des années 1950, je me souviens que les jours de pluie, le parapluie était le bienvenu à l’intérieur du véhicule. Si Prosper Daoudal était de ce monde, notre voisin garagiste de la rue de Concarneau, il pourrait raconter les innombrables tours de manivelle qu’il a effectués afin de démarrer cette C4…

Marguerite Guillou et sa mère Joséphine Marion à côté de la Citroën C4, devant l'école publique de garçons de la rue de Concarneau en 1934
Marguerite Guillou et sa mère Joséphine Marion à côté de la Citroën C4, devant l’école publique de garçons de la rue de Concarneau en 1934

Pour accéder au domicile de la patiente, il faut s’arrêter au bout du chemin carrossable puis, bien souvent, prendre un vinogen (chemin creux) parfois boueux. La sage-femme, sa sacoche de travail en cuir à la main, doit escalader une barrière, et cela fréquemment la nuit, accompagnée par les aboiements des chiens des environs.
Marguerite Guillou se marie à Trégunc le 23 octobre 1935 et devient Madame Yan (Guitte pour les intimes). Durant l’occupation de Trégunc, il lui faut un Ausweis, le laisser-passer réglementaire, et subir les tracasseries des militaires occupants : ils la surnomment Madame Bébé.

Mariage de Yves Yan et de Marguerite Guillou. Marguerite est sage femme et Yves Yan sera secrétaire de mairie à Trégunc.
Mariage de Yves Yan et de Marguerite Guillou. Marguerite est sage-femme et Yves Yan sera secrétaire de mairie à Trégunc.


Le téléphone lui est devenu un outil indispensable, le numéro est composé de deux chiffres et l’appel se fait par une opératrice, via l’inter. Pour contacter la sage-femme lorsqu’elle est en intervention, souvent la nuit, point de téléphone portable, il faut se déplacer.
Aussi, afin de pallier ce manque, appuyant fort sur les pédales de sa bicyclette (il n’a pas le permis de conduire) et guidé par une ampoule de faible puissance alimentée par une dynamo frottant sur la roue arrière, mon père va prévenir son épouse d’une naissance imminente dans une autre maison.
Marguerite exerce son métier en relation avec le docteur Pochard, puis avec les docteurs Crenn et Crescenci. Après guerre, l’hôpital de Concarneau, situé en Ville-Close, possède une maternité et, progressivement, les mamans n’accouchent plus à domicile.
À cause de sa santé déficiente, Marguerite Guillou arrête son activité en 1961. Néanmoins son statut de sage-femme l’autorise à exercer la fonction d’infirmière pour faire des piqûres, de 1967 à 1977. À cette époque, ni les seringues en verre, ni les aiguilles ne sont jetables. Après chaque intervention, il faut les stériliser, la procédure consistant à plonger ce matériel dans une casserole d’eau mise à bouillir pendant dix minutes.
Marguerite décède le 25 juillet 1998, le jour où la commune en grande liesse accueille notre tout récent champion du monde de football, Stéphane Guivarc’h ; elle rejoint ses parents et son mari.
Elle laisse à ses deux enfants1 le carnet sur lequel elle a noté les accouchements pratiqués de 1933 à 1961 avec, par année et par mois, la date de naissance du nouveau-né, le nom de jeune fille de la maman et son nom d’épouse.
Pendant 28 ans, Marguerite Yan a réalisé 1265 accouchements, soit environ 60 % des naissances déclarées à la mairie de Trégunc. On peut constater, à la lecture des chiffres, qu’après la Seconde Guerre mondiale le baby-boom a bien eu lieu à Trégunc aussi.
Jean-Yves Yan

  1. NDLR : Janine et Jean-Yves ↩︎

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