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des Amis du Patrimoine de Trégunc

Le cimetière de bateaux de l'anse de Pouldohan

Dès les années 1930, les navires de Concarneau passent progressivement du mode voile à celui de la motorisation. On se contente alors de leur ajouter un moteur tout en leur conservant les voiles. 

Après la guerre, à partir de 1945, il faut accélérer le renouvellement de la flotte traditionnellement faite de bois et encore mue par le vent. Au début des années 1950, les voiliers thoniers ou chalutiers de structure solide mais non adaptée à la poussée et aux vibrations d’un moteur sont inévitablement condamnés. Le port de Concarneau est asphyxié par l’encombrement occasionné par les vieux gréements désarmés.
Il faut trouver une zone capable de recevoir les épaves et devenir un cimetière à bateaux. L’anse de Pouldohan répond exactement à cette recherche. De plus, face aux pénuries de l’après-guerre et à la demande de personnes qui souhaitent disposer de bois, une délibération est prise par le conseil municipal de Trégunc pour accueillir dans l’anse de Pouldohan les vieux navires concarnois.
Mais le remorqueur du port, l’Amiral Gai Prat, n’est pas autorisé à oeuvrer légalement en dehors des eaux portuaires de Concarneau dont l’espace s’arrête à la Pointe du Cabellou. Aussi par une décision et approbation administratives, le périmètre du Port de Concarneau est élargi jusqu’à la Pointe de la Jument (l’autre limite étant la Kareck Men Crenn, roche située en face du CAC ). Pors Breign et l’anse de Pouldohan se trouvent ainsi inclus dans le port de Concarneau.
Une grande partie des décisions concernant les eaux de Pouldohan échappent alors à la Municipalité de Trégunc pour tomber sous l’autorité du Port de Concarneau. Dans les années 1950 nous assistons à l’effervescent renouvellement d’une flotte en bois et en acier. Le rythme des condamnations des vieux voiliers s’accélère. Par un ballet incessant d’allers et retours entre le port de Concarneau et l’anse de Pouldohan, l’Amiral Gai Prat entraîne les épaves vers leur dernier mouillage. Certains de ces vieux navires, trop fragiles, font même naufrage avant d’avoir pu franchir la balise du Cochon.

Le Gabriel Jean-François et les autres

Le Gabriel Jean-François s’échoue dans le port de Concarneau. Son épave y restera très longtemps et gênera considérablement les manœuvres des autres navires. La direction du port décide de le remorquer jusqu’à Pouldohan, là au moins il ne gênera personne.
Mais un beau jour, l’armateur, qui n’est pas informé de ce déplacement s’affole, pensant que son Gabriel Jean-François a disparu. Sa panique laisse place à une colère mal contenue quand l’ingénieur des Ponts et Chaussées l’informe que son bateau est maintenant échoué dans l’anse de Pouldohan, loin de toute activité, loin de tout regard.
A Concarneau, un langoustier commence sérieusement à faire râler, ce navire est vieux, encombrant, il gêne. La décision est prise. Il ira à Pouldohan. Il est donc remorqué vers sa dernière demeure, mais à l’entrée de l’anse il s’échoue sur le banc de sable d’une telle manière qu’il y restera définitivement. A croire que ce vieux langoustier a volontairement choisi ce site par malice car sa carcasse gêne l’accès de l’anse et déforme le fameux banc de sable qui reprendra difficilement sa forme et place initiale.
Le Franc-Tireur est très mal en point. Le remorqueur le tire avec mille précautions. Il commet une maladresse dans sa manoeuvre, et le Franc-Tireur se fracasse sur les roches près du feu de Pouldohan.
Un autre navire gêne dans le port de Concarneau, l’Immaculée Conception. C’est un bâtiment quasiment neuf de 38 mètres, construit en Loire-Atlantique. Ce bateau est sous-motorisé. Un jour il est emmené dans l’anse sur la grève entre les deux cales actuelles. Par vengeance, peut-être, l’Immaculée Conception gênera encore de longues années. L’épave s’englue dans une masse visqueuse et nauséabonde. Personne n’osera s’approcher de cette vase noire pour ne pas risquer de se blesser et d’attraper le tétanos.
Sur ses rives, l’anse de Pouldohan deviendra progressivement un cimetière très important ou une bonne vingtaine de carcasses, les unes contre les autres, s’aligneront.
Citons aussi parmi les gisants, l’Artémis un chalutier thonier de 22 mètres, le Polymnie, et le Bonne Anse, le seul construit en acier. On pensait que ce matériau rendrait les navires immortels, une erreur, même en acier les bateaux meurent, mais la décomposition est plus lente. Corrodée, polluante, encombrante, la carcasse du Bonne Anse gît comme les autres près de la vieille cale. Certes les nombreuses épaves sont fort abîmées, mais elles restent quasiment entières.

Épaves dans l’anse de Pouldohan
Épaves dans l’anse de Pouldohan
Création du centre nautique de Pouldohan

Dès 1958, Jean Lozac’h et Daniel Trellu, deux jeunes instituteurs de Trégunc, utilisent le plan d’eau de Pouldohan pour que les jeunes filles qui préparent leur diplôme d’enseignement ménager puissent naviguer en kayak.
En 1960, malgré les épaves encombrantes, l’un des deux enseignants réussit à concrétiser son rêve en créant un centre nautique. Faisant suite à l’impulsion de l’instituteur, le conseil municipal de Trégunc décide de s’attaquer à ce mouroir, pour redonner à l’anse la dignité qu’elle a en partie perdue.
Stop, ça suffit ! Le conseil délibère et s’oppose à tout nouvel échouage à Pouldohan. Des actions percutantes sont menées par l’instituteur soutenu par le Conseil Général, la mairie de Trégunc et les Ponts et Chaussées contre les Affaires Maritimes, les armateurs et la Chambre de Commerce.
En 1961, une réunion sans précèdent se tient dans la salle de la criée de Concarneau à l’issu de laquelle les Ponts et Chaussées décident du démantèlement de l’Immaculée Conception et de l’évacuation partielle des autres épaves gisant à Pouldohan.
Un beau matin, alors que la mer se retire avec un fort coefficient, le Bonne Anse, déjà tiré sur l’autre rive, subit l’assaut du feu des chalumeaux. Découpée en morceaux, l’Immaculée Conception est démantelée. D’autres épaves suivront, au grand soulagement des Tréguncois. La petite flottille du Centre Nautique qui compte maintenant pas moins de onze caravelles et une trentaine de vauriens, est terriblement gênée par les dangereux morceaux d’épaves non-évacués. Les moniteurs et les stagiaires du Centre Nautique empilent de l’autre côté de l’anse les restes d’épaves qui sont en face de Porz an Halen. La zone côté cales est dégagée. Durant l’hiver 1961, un ferrailleur récupère le métal que lui ont laissé les nombreux brasiers.
En 1963, Pors an Hallen, du fait de son isolement, n’est pas desservi par le circuit de distribution d’eau potable : il faut faire des réserves. Le Centre Nautique obtient de l’armateur l’autorisation de récupérer quelques cuves en ciment dont était équipé le Gabriel Jean-François pour la pêche à la langouste. L’armateur cède aussi le pont dont le plancher servira à la construction d’un abri pour le rangement des moteurs hors bord et du carburant du Centre Nautique.
De 1962 à 1965, les stagiaires comme les moniteurs du Centre Nautique continuent inlassablement le nettoyage du plan d’eau. Oui mais…légalement, le port de Concarneau englobe toujours Pouldohan dans son périmètre qui, en urgence, peut être réquisitionné pour un échouage. De plus, Concarneau valide toujours le tarif des mouillages de Pouldohan. Il faut que Pouldohan revienne sous la tutelle de Trégunc. Le conseil municipal de Trégunc est divisé sur le sujet car certains membres siègent aussi au Conseil portuaire de Concarneau.
Enfin, en 1989, le Conseil municipal de Trégunc délibère : l’anse de Pouldohan sera tréguncoise à part entière. La décision ne sera effective qu’à partir de 1990.

Transformation des vieux thoniers en bois

Avant guerre, le thon pêché est conservé sur le pont, à l’air, ouvert sur des chevalets en bois. Par mauvais temps ou temps orageux, les thons pourrissent et la peine n’est alors pas payée. Après guerre, une nouvelle technique permet de produire la glace industriellement. On équipe les nouveaux bateaux de chambres à glace. C’est une grande avancée économique et sociale. Mais pour les vieux thoniers en bois navigant à la voile, il faut trouver des astuces, ce qui n’est pas toujours facile. Pour les motoriser, on est obligé de couper des membrures qui sont souvent essentielles à leur solidité, tant et si bien que les vibrations ont vite raison de ces transformations contre nature. Beaucoup de vieux thoniers réussissent à supporter cette rénovation. Ensuite on coule du ciment en fond de cale, entre les membrures pour y stocker la glace. Ainsi, les vieux thoniers en bois vont vivre quelques années supplémentaires.
Le Georges Raymond II était de ceux-là. Désarmé dans les années 1950, il est échoué à Pors Bleiz, à l’entrée du Pouldu. On peut apercevoir entre les quelques membrures qui lui restent, le ciment témoin des transformations qu’il a subies. Les autres morceaux d’épaves sont ceux du Roses de Sainte-Thérèse, Père Job, Marcelle-Henriette, Pierre-René.
Jusqu’en 2012, entre le Pouldu et le chantier du Minaouët, deux épaves gisaient au pied des pins. La plus grande, celle du Pax Christi, construit par le chantier naval Espoirs Sablais, mesurait environ 35 m. Ce navire a été lancé aux Sables d’Olonne le 15 mars 1938 pour un armateur de La Rochelle. Plus tard, il sera acheté par l’entreprise de M. Pajollec. Ce caboteur était destiné au transport du sable et du ciment. M. Pajollec avait aussi une concession d’exploitation de sable à Pendruc. Le Pax Christi qui accostait généralement quai de l’Aiguillon à Concarneau, faisait partie des nombreuses épaves qui obstruaient le port, quai des Seychelles près des usines Cassegrain.
L’autre épave, beaucoup plus petite, se nommait le Noac’h. Ce petit remorqueur en bois serait originaire de la rade de Brest, il aurait servi dans la marine allemande avant de finir sa carrière à Concarneau, puis au Pouldu.

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2 commentaires

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  1. J'ai fait de nombreux photo noir et blanc dans cette anse en 1981. J'étais photographe à cette époque. Elles feront bientôt l'objet d'un blog.

  2. Merci pour ce magnifique article sur ces vestiges de bateaux quim'émerveillent depuis que je suis tout petit. Lors de mes séjours estivales dans la maison de mes grands parents Rte de Pen Ker Traon, j'avais une vue imprenable sur 2 coques. A ce jour, il n'en reste qu'une qui est encore « debout ». Si vous pouviez me dire le nom de ce bateau, je serai comblé. Encore merci pour votre blog sur cette région qui me tient tant à coeur.