La restitution des corps des soldats de la Grande Guerre à Trégunc

Au monument aux morts de Trégunc, le nom des 194 soldats tués durant la guerre ont été gravés dans le marbre. Seules vingt-cinq dépouilles sont revenues. Lors des premiers combats d’août 1914, les corps des soldats morts au champ d’honneur sont enterrés sur les lieux des batailles et dans des cimetières provisoires.


En juillet 1914, les maires sont informés que les dépouilles ne seront rendues aux familles qui le désirent qu’à la fin de la guerre. À partir de 1919, les exhumations clandestines se multiplient, aussi l’État prend-il des mesures pour en limiter les effets et organise la restitution des corps.
Sur le front, les restes des combattants sont exhumés pour être rassemblés dans des nécropoles.

La restitution des corps

L’État, par la loi du 31 juillet 1920, autorise la restitution des corps à leur famille ; il prend en charge leur retour et organise leur rapatriement. Les opérations débutent le 1er décembre 1920. La commune de Trégunc accorde gratuitement une concession perpétuelle de trois mètres carrés pour leur sépulture.
Dès le mois d’août 1920, des formulaires sont distribués dans les mairies. Ma grand-mère Perrine Michelet, veuve d’Yves Bourhis, remplit un dossier et aide d’autres veuves à le faire. Le dossier est expédié au ministère des pensions. La date limite du dépôt est le 15 février 1921. Ma grand-mère accompagnée d’une autre veuve prend le train pour assister à l’exhumation de son époux. Le corps repose dans un linceul ouvert devant elles, puis mis dans un cercueil.  Dans la majorité des cas, une fois arrivés dans leur commune, les corps sont entreposés dans un bâtiment communal en attendant la cérémonie funèbre. Mais à Trégunc, avec l’assentiment du maire, les cercueils sont directement transportés de la gare au domicile, pour mon grand-père à Kermao, jusqu’au jour de la nouvelle inhumation.

Tombe de Yves Bourhis de Kermao tué en 1915
à Suippes dans la Marne à l’âge de 36 ans.

Les cercueils parviennent dans les gares : Marseille pour les corps de l’armée d’Orient, Sarrebourg pour ceux rapatriés d’Allemagne, Brienne-le-Château et Creil pour les dépouilles exhumées dans la zone des champs de bataille de la Marne, la Meuse et du Haut-Rhin.Au départ de la gare de Brienne-le-Château (Aube), plusieurs convois sont dirigés sur la gare de Morlaix de juillet 1921 à août 1923.Le 9 juillet 1921, la dépouille d’Armand Drouglazet se trouve dans le cinquième convoi ; c’est le premier des vingt-cinq corps qui reviendront jusqu’en 1923.D’autres cercueils arrivent par différents convois, ceux d’Émile Bourhis, Jean-Marie Carnot, Jean Jacques Colin, Jean Marie Dérout, Louis Drouglazet, Jean Marie Le Bris, Jean Marie Le Gac, Jean Marie Martin, Marc Ollivier, Yves Rioual et Yves Sellin.Le 26 janvier 1922, les corps d’Yves Capitaine et de mon grand-père Yves Bourhis, tué le 16 septembre 1915, arrivent de la gare de Brienne-le-Château dans le deuxième convoi.  Yves Bourhis a d’abord été inhumé dans une tombe individuelle sur le front puis dans la nécropole nationale de Suippes-Ville (Marne). La cérémonie des obsèques des deux hommes a lieu en l’église de Trégunc, un dimanche, à l’issue des vêpres.Pierre Marie Schang, tué dans la Meuse, est inhumé au cimetière le 26 octobre 1921. De la gare de Sarrebourg, François Le Bail, mort en Allemagne, exhumé à Essen arrive à Morlaix le 18 juillet 1923. Au départ de la gare de Marseille arrivent à la gare de Morlaix :• le 1er août 1922, Joseph Le Beux tué en Serbie (30e convoi) ;• le 19 septembre 1922, François Scavennec décédé en Grèce (33e convoi) ;• le 11 janvier 1923, Joseph Richard exhumé à Marseille (39e convoi).Marc Rigous et Yves Tudal exhumés à Brest sont inhumés à Trégunc en février 1923.Au départ de la gare de Creil à destination de Morlaix, de 1921 à 1922 les corps de Jean-Marie Le Gall (9e convoi) de François Dizet, André Le Don et Yves Sellin dans (11e convoi), décédés dans la Somme et dans l’Aisne. Jean-Marie Dagorn décédé en Belgique sera dans le 19e convoi du 23 mars 1922. Actuellement, au bas de la partie la plus ancienne du cimetière de Trégunc, on ne trouve plus que les tombes d’Yves Bourhis, Jean-Marie Le Bris et Joseph Olivier.

La Dépêche de Brest du 1er février 1922
Pourquoi seulement 25 corps revenus ?

Selon le décret du 28 septembre, les veuves, ascendants et descendants ont le droit de réclamer les corps. Mais, deux ans et demi ou sept ans après le décès de leurs proches, la démarche est pénible voire douloureuse et apparaît insurmontable pour nombre de familles.
Pour certaines, à cette période où la langue usuelle est surtout le breton et la scolarité souvent très courte, effectuer une démarche administrative, même facilitée, devient un obstacle et peut être vécue comme une atteinte à la fierté. Pour d’autres, c’est le refus de revivre ou raviver la douleur de cette perte qui motive leur décision. Pour d’autres encore, leurs convictions imposent de laisser reposer en paix le défunt, là où il est.
Il est arrivé que l’épouse et les ascendants ne soient pas d’accord, le retour de la dépouille du mari pouvant être pénible pour une épouse, souvent veuve depuis longtemps ou remariée. Aussi des femmes se sont vivement opposées au retour du corps de leur époux malgré la demande des parents du défunt.

Sources

– Listes des corps du Finistère restitués (guerre 14 18). Travail réalisé par Véronique Jestin aidée de Louis Bizien et de Sophie Carluer
– www.tadoukoz.net
– sépulturesdespoilus.e-monsite.com/blog/le-transfert-de-la-grande-guerre-.html
– Journaux La dépêche de Brest et L’éclaireur du Finistère 

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