La maison de Kerambourg

Bien que la date de construction de la maison de Kerambourg 1 demeure inconnue, celle-ci semble avoir existé depuis environ trois siècles.
La propriété a appartenu à trois familles seulement : Prouhet, de Calan et Le Goff, puis, en 2008, le “manoir” est acheté par la commune. Son histoire est très étroitement liée à celle de Trégunc.
Définition de manoir
Le manoir est le logis seigneurial. Il comporte généralement : les pièces à vivre, les chambres, une pièce de réception et parfois le logement des domestiques.
La famille Prouhet ne semble pas être de descendance noble et leur demeure ne serait donc pas un manoir. Une telle dénomination n’est utilisée par les Tréguncois que depuis quelques années. Auparavant, suivant les époques, cette maison était appelée : Ty-Prout (surnom populaire donné lorsqu’elle était habitée par la famille Prouhet), maison Placide (garder son calme en toute circonstance) ou maison Le Goff.
Arthur Le Beux (1872-1947) précise : « Ce n’est pas un manoir, il en a toutes les apparences surtout du côté de la grand’ route. Mais, ni en breton par la population, ni en français dans les actes, il n’est dit manoir. »
Cette demeure pourrait être, dans le langage courant, un « manoir roturier ».
Sur le linteau d’une porte de la façade, côté jardin, figure une trace peu lisible d’un blason : peut-être un léopard, armoirie de la famille de Calan.
Toponymie de Kerambourg ou Kerenbour :
• Ker : village, lieu habité,
• bour : d’après Albert Deshaies, docteur en études celtiques, nom d’homme correspondant au vieux breton boor “corpulent” souvent francisé Le Bour.
Construction et transformations
Joseph Marie Prouhet, sur l’acte de baptême de son fils Étienne, né à Concarneau en 1720, signe “De Ꝃenbourprouhet 2, preuve qu’il possède déjà les terres de ce lieu-dit. D’ailleurs,
par la suite, sur les différents actes d’état civil, ses descendants ont le titre de politesse “sieur 3 de Kerambourg”. Le père de Joseph Marie Prouhet, Estienne, meurt à Trégunc en 1724.
La famille Prouhet aurait quitté Concarneau et se serait installée à Trégunc en 1722 ou 1723.
La construction de la maison de Kerambourg pourrait dater de 1736, date gravée sur la pierre d’une cheminée extérieure. Arthur Le Beux la situe au XVIIe siècle. Pascal Danielou a observé que le manoir de Kerven, qui date de 1673, présente de nombreuses similitudes avec la maison de Kerambourg, cette dernière pourrait-elle être de la même époque ?

Louis Bonaventure, né en 1727, fils de Joseph Marie Prouhet, a eu pour marraine l’épouse de Joseph Le Floch sieur de Kerven. Joseph Marie Prouhet a-t-il pu désirer construire une maison dont l’architecture est voisine de celle du manoir de son ami ? Combien de temps après 1697 ? Il est certain que le bâtiment existe au moins depuis 280 ans. Le cadastre napoléonien de 1845 (ci-contre) donne une idée du plan-masse.
Arthur Le Beux décrit avec précision le manoir tel qu’il l’a connu au début du XXe siècle : « Ce manoir est au bourg de Trégunc au bord de l’ancienne route de Concarneau. C’est un long bâtiment, d’un très bel aspect. Il n’y a pas d’accolade aux ouvertures, les linteaux des portes et fenêtres sont droits. C’est pourtant une vieille maison qui a plus de deux cents ans d’existence. Devant la maison se trouvent une belle cour et le jardin qui en est séparé par une claire-voie et des piliers en granit. Cette maison est peut-être au moins du début du XVIIe et peut-être de la seconde moitié du XVIe siècle ».
Dans un autre article il ajoute : « Au bout Est un ajouté très long et haut d’étage, quatre mètres, où se trouvent les bureaux du notariat, le pressoir, les caves et le logement du garde. Au-dessus est une grande salle louée, dans le temps, à mademoiselle Richard, minotière à Rosporden, pour servir de magasin à grains et servant aujourd’hui de salle de patronage. On y accède de l’extérieur par un escalier en pierre. Au bout ouest de la maison principale était un bois de haute futaie et des vergers clos d’un talus et de palissades. De l’autre côté de la route de Concarneau un autre bois de haute futaie était laissé à la disposition du public ; on y jouait (dans les années 1880) aux boules ou à la galoche. Le premier bois s’appelait Coat Prouhet ou Prout, et le second Coat-veil-veur 4 ».

Entre le plan du cadastre napoléonien de 1845 et celui actuellement en vigueur, deux transformations importantes ont eu lieu, visibles sur le plan masse (voir plan ci-contre) :
• en 1845 existait une aile du bâtiment qui a été détruite avant 1949 (date inconnue),
• après 1845 existait un bâtiment (date de construction inconnue) comportant deux lavoirs (couverts d’un toit en V permettant de récupérer l’eau de pluie) mitoyens au manoir. Ce bâtiment a été détruit en 1970.
Le 23 septembre 2008, les héritiers, Édith, Claude et Loïc Le Goff vendent le manoir à la commune de Trégunc.
L’acte de vente précise que la contenance totale (parcelle et bâtiment AB 260 et 261 ) est de 12,55 ares.
Le bâtiment comprend :
• au rez-de-chaussée : un couloir, une cuisine, une salle à manger ; dans l’aile nord-ouest : cave et cage d’escalier,
• à l’étage : quatre chambres et un petit cabinet de toilette ; au nord-ouest à l’étage dans l’aile : une chambre et un palier, au-dessus un grenier,
• à mi-étage, entre le premier et le grenier : les water-closets,
• à l’est dans le prolongement de ladite maison, autre vieux bâtiment contigu ayant une pièce et un couloir au rez-dechaussée, une pièce au 1er étage et grenier dessus.
La rénovation du manoir
À la suite de l’achat de la bâtisse par la commune de Trégunc, d’importantes réparations sont prévues et des études sont effectuées concernant la destination de ce manoir. En 2014, un charpentier et un couvreur restaurent à l’identique la toiture. En mai 2018, d’importants travaux se poursuivent.






Les propriétaires du manoir
Les propriétaires ont été successivement :
• La famille Prouhet, de l’origine jusqu’au décès de madame Laure Dubosc, épouse d’Alexandre Prouhet, le 15 mai 1889.
• Ferdinand de Calan, à partir de 1889, ensuite, son fils Pierre puis son autre fils Jean ;
• Louis Le Goff et Jeanne Guyomar, son épouse, puis leurs trois enfants jusqu’au 23 septembre 2008 ;
• La commune de Trégunc depuis 2008.
Les habitants avant 1841
La liste des personnes ayant vécu dans le manoir avant l’année 1841, date de la mise en place des dénombrements de la population à Trégunc, est approximative ; il n’existe aucun document à ce sujet.
Les premiers habitants semblent être la famille Prouhet. Au début du XVIIIe siècle, Estienne Prouhet est notaire royal et habite à Concarneau. Joseph Marie Prouhet succède à son père comme notaire royal et procureur du Roi à Concarneau et Trégunc en 1719. Il s’installe à Trégunc avec son épouse Marie Jeanne de Kermorial vers 1723, ils ont alors deux enfants nés à Concarneau : Étienne et Marie Josèphe. Ils auront ensuite, de 1723 à 1743, dix autres enfants : Marie Perrine, Jean Joseph (qui prendra la succession de son père), Jean François, Louis Bonaventure, Mathurine, Françoise, Marie Louise (qui décède, en 1736, deux mois après sa naissance), Françoise Mathurine, Pierre et Marie Élisabeth. Marie Jeanne de Kermorial décède en 1743, un mois après la naissance de sa dernière fille.
Joseph Marie Prouhet décède le 6 décembre 1750.
Les enfants mineurs sont mis sous tutelle par sentence du 26 février 1751 (AD 29 Brest dossier : B 1 129 – 1751).
Son fils Jean Joseph qui doit lui succéder est avocat, il reprend l’étude notariale le 17 mai 1751. Il épouse Élisabeth Horellou de Vieux Ville à Quimper en 1765. Ils auront huit enfants, tous nés à TréguncL : Marie Louise, Joseph Marie, Marie Jeanne, François Mathurin, Marie Élisabeth (née, ondoyée à la maison et décédée le 1er avril 1771 ), Jean Jacques (décédé à 9 mois), Élisabeth Marie (décédée à 6 ans) et Fortuné Marie.
De 1723 à 1778, tous les enfants Prouhet sont nés à Trégunc, on peut en déduire que les familles de Joseph Marie et de Jean Joseph Prouhet habitaient le manoir.
Jean Joseph Prouhet décède le 30 janvier 1794. Son fils Joseph Marie, organisateur et cosignataire des doléances des habitants de Trégunc le 5 avril 1789, est élu député. Il épouse Anne Marie Le Bastard de Kerguiffinec le 29L avril 1794, ils auront quatre enfants, trois nés à Trégunc et un à Concarneau : Jean Joseph, Alexandre, Adelaïde et Eugénie.
C’est l’époque de la vente des biens nationaux ; comme beaucoup de notables, Joseph Marie Prouhet se constitue un patrimoine important (domaines, fermes, terres). En 1803, au décès de sa mère, Joseph Marie hérite du manoir de Kerambourg. Il est notaire public de 1794 à 1804 sous la Révolution, notaire impérial de 1804 à 1814 sous Napoléon puis notaire royal de 1815 à 1824 sous Louis XVIII. Il occupe les fonctions de maire de 1801 à 1816, sous les différents régimes.
Arthur Le Beux indique : « En 1809, M. Joseph Marie Prouhet était noté à la préfecture, homme instruit et attaché au gouvernement et riche : il a 4000 francs de rente. M. Kerloc’h, recteur, lui reprochait de s’être fait placer un banc à l’église pour lui et sa famille »
Joseph Marie Prouhet épouse, en secondes noces, Marie Anne Bescond, à Quimper en 1808 ; ils auront deux enfants nés en 1810 et 1816 rue Mesgloaguen à Quimper : Aline et Victor. Il est probable qu’à cette époque le couple habite Quimper.
Son fils Alexandre est avocat, il épouse en 1823 Laure Dubosc. Le couple aura quatre enfants, deux nés rues du Chapeau Rouge, Georges en 1824 et Laure en 1828, et deux nés à Trégunc, Anatole en 1839 et Joseph Marie en 1842.
Son père, Joseph Marie Prouhet, décède à Trégunc le 28 avril 1824. Alexandre Prouhet reprend l’étude notariale le 25 août 1824. La famille demeure à Quimper au moins jusqu’en 1828.
Les habitants de 1841 à 1889
Les recensements de population permettent de connaître avec précision les habitants du manoir :
• en 1841, Alexandre Prouhet notaire sous la Deuxième république et son épouse Laure Dubosc, son beau-père et sa femme, deux domestiques, Marie Anne Lancien et Marguerite Daheron ;
• en 1851, Alexandre Prouhet notaire impérial, son épouse, son fils Joseph, sa belle-mère, Joseph Postec jardinier, Christophe Guillou et Yvon Lancien domestiques, Marie Anne Lancien cuisinière, Marie Jeanne Bourhis servante ;
• en 1861, Alexandre Prouhet maire (de 1 830 à 1 868) et notaire, son épouse, son fils Joseph, Célestin Lagadec jardinier, Marie Anne Lancien cuisinière, Yves Penven garçon, Annette Bourhis domestique ;
• en 1 872, Laure Dubosc, son fils Joseph Prouhet notaire, Joseph Foulcocq garçon et jardinier, Marie Anne Lancien servante et sa mère, Marie Jeanne Canévet fille de basse-cour ;
• en 1881, Laure Dubosc, son fils Joseph, Laure Prouhet, Joseph Foulcocq jardinier, Marie Anne Lancien cuisinière, Marie Marrec domestiqueL ;
• en 1886, Laure Dubosc âgée de 83 ans, son fils Joseph, Joseph Foulcocq jardinier, Marie Anne Lancien et Marie Anne Le Bris domestiques.
Joseph est notaire de 1868 à 1887 et maire de Trégunc de 1878 à 1887, il décède le 6 mai 1887, d’après Arthur Le Beux « d’une attaque d’apoplexie, sur la place du bourg au chevet de l’église ». Laure Dubosc décède le 15 mai 1889.

Les habitants de 1889 à 2007
De 1889 à 1969, le manoir est loué par les descendants de Pierre de Calan aux notaires suivants : Auguste Schang (de 1887 à 1927), Guillaume Pascoët (de 1927 à 1938), René Fatras (de 1938 à 1949) et Louis Le Goff (de 1949 à 1969).
Les habitants d’après les recensements :
• en 1891, Auguste Schang notaire, son épouse Marie Louise Sergent, leurs quatre enfants, Auguste, François, Marie, Marguerite et une domestique, Catherine Ansquer. Deux autres enfants naîtront : Pierre en 1894 et Berthe en 1896 ;
• en 1911, en location, Auguste Schang notaire et son épouse Marie Louise Sergent, deux enfants François clerc de notaire et Marguerite, une servante Marie-Anne Donnart. Auguste Schang décède à Trégunc le 1 1 mars 1927.
Trois familles louent successivement le manoir :
• de 1927 à 1938, Guillaume Pascoët, notaire, et son épouse, Eléonore Bergot ;
• de 1938 à 1949, René Fatras, notaire, son épouse et leurs deux filles, Christiane et Martine ;
• de 1949 à 1969, Louis Le Goff et sa famille.
En 1969, Louis Le Goff devient propriétaire du manoir et y habite avec sa famille. Il décède le 26 janvier 1998. Loïc Le Goff, fils de Louis, prend la succession de l’étude notariale au manoir jusqu’en 1979. Elle sera transférée place la mairie en 1989. Jeanne Guyomar, épouse de Louis Le Goff, décède le 28 novembre 2007.
Depuis 2007, le manoir n’est plus habité. En 2008, il devient la propriété de la commune de Trégunc.
L’étude notariale
Jusqu’en 1891, l’étude des notaires Prouhet est située dans le manoir. Puis la maison est achetée par la famille de Calan qui décide de la louer à un notaire.
En 1891, à l’arrivée du premier locataire, Auguste Schang, l’étude est transférée dans une petite maison (maintenant détruite) à l’emplacement actuel de l’école Saint-Marc rue de Kerfeunteun. S’y succèdent les notaires Guillaume Pascoët et René Fatras. À l’arrivée de Louis Le Goff, en 1949, l’étude revient au manoir.
Notes
- Il s’agit de la maison située vieille route de Concarneau ↩︎
- Le K barré Ꝃ, représente le préfixe Ker en breton ↩︎
- “sieur” n’est pas un signe de noblesse ↩︎
- Ce toponyme donne à penser qu’il y avait un moulin dans les environs :veil (veilh) signifie moulin, suivi de l’adjectif veur (meur), “grand, important”. Meur est sorti d’usage au profit de bras, “grand”. Veil-veur est sans doute un nom assez ancien ↩︎
Lire aussi
• Les notaires de Trégunc de 1860 à nos jours
• Nos élus au XIXe siècle et quelques anecdotes
• La dynastie des Prouhet, notaires à Trégunc
• Les biens nationaux à Trégunc
Sources
• Les Archives départementales du Finistère, notamment les recensements de population en ligne
• Les Archives de la Mairie de Trégunc
• Les carnets de notes d’Arthur Le Beux, prêtre d’origine tréguncoise (archives diocésaines)
• Entretien avec Maître Loïc Le Goff notaire
• KerOfis, la base de données du service patrimoine linguistique et signalisation de l’Office public. Elle permet de consulter la forme bretonne des toponymes bretons et d’obtenir des informations de type étymologique
Diaporama en résumé (2019)
Ou visualiser à partir du lien.




Comment se nommait le manoir qui a été incendié près de la mairie de Tregunc ? Actuellement, il y a le supermarché sur la propriété.
J’y ai séjourné chez un médecin qui le louait , le docteur Jean Bouger. C’était pendant la grève des mineurs du Pas de Calais en 1963 , j’y suis revenue 3 années de suite.
J’ai toujours cru que c’était le manoir de Kerambourg …
Cordialement.
Selon Robert Sellin, interrogé par un journaliste local après l’incendie de septembre 2007, cette bâtisse n’était pas à proprement parlé le manoir de Kerambourg qui datait plus vraisemblablement du 13e ou 14e siècle et se serait situé à proximité de la longère (salle d’exposition aujourd’hui). Pour la bâtisse qui a brûlé, il évoque plus volontiers l’appellation “château de Kerambourg” ; il s’agissait d’une grande maison bourgeoise datant de la fin du 19e siècle, habitée autrefois, entre autres, par la famille noble de Malherbe… [photo]
Je vous remercie beaucoup pour vos renseignements.
Je garde un très bon souvenir de la Bretagne grâce à la ville de Tregunc.
Cordialement
Sur cet article vous avez note que le manoir de Kerven datait de 1697 .Je ne le pense pas ,je connais tres bien cette ancienne demeure j’y ai passe une grande partie de mon enfance de 1959 a 1975 . Pour moi elle a toujours date de 1673.Cette date est inscrite en 2 parties au dessus de la fenetre de gauche du 1etage le 16 etant distant du 73.Bien evidemment je peux me tromper
Bonjour,
Il s’agit bien de la date 1673 ; nous rectifions l’article. Merci pour votre message.