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des Amis du Patrimoine de Trégunc

Freinet, René Daniel et l’école de Saint-Philibert à Trégunc

Célestin Freinet, pédagogue français (1896-1966), est le créateur dès 1920 d’une pratique pédagogique moderne ; il est l’auteur de la formule « former en l’enfant l’homme de demain », il dira aussi « faire un métier qu’on aime ». Une de ses théories est que l’enfant, s’il est bien organisé, peut se passionner pour son travail scolaire et il n’est pas besoin d’autorité ni de discipline.
La « doctrine » Freinet, très connue même internationalement, a donné lieu à polémique. Le but du présent article n’est pas de prendre position pour ou contre cette méthode d’enseignement mais de raconter le lien entre Freinet, René Daniel et l’école de Saint-Philibert à Trégunc.

Au début des années 1920, instituteur à Bar-sur-Loup (Alpes Maritimes), Freinet met en place une imprimerie dans l’enceinte de son école afin de créer un petit journal entièrement réalisé par les élèves (de l’écriture des articles à leur publication). D’autre part il souhaite entretenir avec d’autres écoles une correspondance interscolaire.

En 1924, René Daniel, instituteur à l’école de Saint-Philibert à Trégunc, fait part à Freinet de son intention de s’engager dans l’expression libre, d’acquérir une imprimerie (en 1926 il s’équipera d’une presse CINUP et imprimera un premier texte libre : « les coquelicots« ) et de travailler dans sa classe comme on travaille à Bar-sur-Loup. C’est le début de la correspondance interscolaire ; « nous ne sommes plus seuls » notera Freinet.

Dans le livre « Elise et Célestin Freinet« , Madeleine Freinet rappelle ce que son père a écrit lorsque cette correspondance entre « deux classes entièrement pauvres » a cessé (« un vrai chagrin » de part et d’autre) :

« Nous vivions désormais la vie de nos petits camarades de Trégunc. Nous les suivions en pensée dans leurs chasses aux taupes ou leurs pêches miraculeuses, car la mer était venue vers nous, et nous tremblions avec eux les jours de tempêtes. Nous leur racontions, nous la cueillette de la fleur d’oranger et des olives, la fabrication des parfums ou les fêtes de carnaval, et notre Provence tout entière s’en allait à Trégunc.
Et un jour arriva le premier colis. Il contenait des algues et des coquillages, et tout un paquet de crêpes délicieuses. Nous en avons mangé, nous en avons fait goûter à la grande classe, et chaque élève est parti à midi avec une part minutieusement établie à l’intention des parents. Leur réaction ne s’est pas fait attendre : il faut leur envoyer des oranges, des kakis, des olives, des fougasses. Et le colis pour Trégunc se préparait dans la fièvre. Une vie nouvelle pénétrait dans la classe. »

Dans son film de 1949 « L’école buissonnière » Jean-Paul Le Chanois décrit ces échanges de colis (pour l’anecdote Freinet est interprété par Bernard Blier).

A la rentrée de 1926 René Daniel met en place dans sa classe un « LIVRE DE VIE » où un élève écrit chaque jour quelques lignes. Un élève, par exemple, note le 8 octobre 1929 :

« M. Colin a acheté un autobus. Il est neuf, sa peinture verte est jolie. On peut baisser et remonter les vitres. On est bien assis sur les bancs rembourrés. Il y a 25 places. On paye 8fr. pour aller à Concarneau. »

Les élèves de St Philibert adressèrent plusieurs fois des petits textes (accompagnés de dessins) racontant leur vie en Bretagne aux écoliers de Provence. Ceux-ci se chargèrent de les imprimer et de les diffuser dans leurs publications appelées « la Gerbe ».
Ainsi dans le n°14 de « la Gerbe » de novembre 1929 un article est intitulé « A la Pointe de Trévignon – Ecole de Trégunc (Finistère) » . Les thèmes abordés par les enfants sont : le brûlage du goémon, la pêche aux thons, la pêche aux casiers, la tempête, un papier dans une bouteille, le tonnerre noyé.

Extrait de La Gerbe

Dans le n°191-192 de la publication « Enfantines » parue en juin-juillet 1954 (il n’est pas précisé la date à laquelle les textes ont été écrits, les thoniers à voiles ont disparu au début des années 1950) les petits mousses de Trévignon racontent leur expérience concernant la pêche sur des thoniers à voiles. Les sujets traités sont : l’armement, les provisions,le départ, les occupations, le premier thon, la pêche, les avaries, le débarquement du thon… la fin de campagne, le naufrage, le retour à la terre.

A la fin de l’article il est indiqué :

« Ces élèves ont quitté l’école fin juin, avec une autorisation d’absence. Ils se sont embarqués comme mousses sur des voiliers. Ils ont pêché le thon pendant les vacances. A leur retour en classe, ils ont fait pour leurs camarades et leurs correspondants le récit de leur vie à bord et de leurs aventures. »

La classe de St Philibert a aussi réalisé un film tourné par René Daniel le 8 juillet 1927 à Trévignon (droits donnés par la famille à l’Association des « Amis de Freinet« ). Sur ce film, très abîmé, on voit tous les enfants passer devant la caméra un par un et saluer en enlevant leur béret.

Dans le livre de vie de l’école de Trégunc  Saint-Philibert à la date du 9 juillet il est indiqué :

« Hier nous sommes allés à la grève pour être filmés. Nous étions heureux, nous rions en pensant que bientôt vous nous verrez bouger, marcher, rire, courir. Nous avons passé à la file devant l’appareil et nous avons salué. Puis nous avons couru sur le sable. La pluie nous a surpris, elle nous a chassés de la grève. Nous avons été mouillés ».

Par la suite un échange de films tournés en 9,5mm Pathé Baby se fera entre les deux classes.

Dans le Nouvel Educateur de février 1994, Henri Portier indique :

« René Daniel correspond avec un instituteur allemand de Brunswick, qu’il fait venir à St Philibert en juillet 1927, événement rarissime et exceptionnel pour l’époque dans cette Bretagne particulièrement meurtrie par la Grande guerre. La correspondance outre-Rhin s’achève brusquement en 1933 après la prise de pouvoir par Hitler. Ne m’envoyer plus rien ! écrit le maître de Brunswick. Il n’aura plus de nouvelles …« .

René Daniel avait quitté Saint-Philibert en 1931.

René Daniel

En 2006 Daniel Losset a réalisé un film « Le maître qui laissait les enfants rêver » sur Celestin Freinet.

L’auteur du présent article précise que certains renseignements concernant Celestin Freinet, René Daniel et l’école St Philibert ont été relevés sur différents sites internet et non vérifiés par d’autres sources. Ils peuvent donc comporter des inexactitudes à lui signaler.
Un dossier sur ce sujet a été ouvert, il comprend en particulier les copies des documents suivants :

  • un extrait de « La Gerbe » n°1 d’avril 1926,
  • un extrait de « La Gerbe » n°14 « A la Pointe de Trévignon » de novembre 1929,
  • La publication « Enfantines» n°191-192 « A la pêche au thon » de juin-juillet 1954,
  • Le journal « notre livre » d’octobre 1926,
  • L’article « René Daniel premier correspondant de Freinet » d’Henri Portier paru dans le Nouvel Educateur de février 1994,
  • Un extrait du tome I « Elise et Celestin Freinet » de Madeleine Freinet,
  • L’article « premiers contacts avec Freinet » de René Daniel paru dans le bulletin des Amis de Freinet n°2 de 1969.
    et quelques renseignements divers.
    Ce dossier pourra être complété par toute information sur ce sujet qui sera fournie à notre Association (photos de classes, anecdotes, souvenirs …)

L’auteur

3 commentaires

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  1. Formidable….je travaille actuellement sur l'histoire de mon grand-père, Jean Marie JAFFREZIC, né à Tregunc en 1890, arrêté et déporté pour fait de résistance au Cosquer en Tregunc en 1944. Je suis très ému de voir les images et de lire les histoires quotidiennes de ces gamins… traces fugaces laissées par une classe Freney… Je vais montrer celà à Lilou, ma petite-fille qui apprend actuellement le breton.Jean Visconti

  2. L'histoire de votre grand-père à Trégunc, les faits de la dernière guerre nous intéressent grandement. N'hésitez pas à reprendre contact à l'occasion. Merci pour votre témoignage.

  3. Formidable….je travaille actuellement sur l'histoire de mon grand-père, Jean Marie JAFFREZIC, né à Tregunc en 1890, arrêté et déporté pour fait de résistance au Cosquer en Tregunc en 1944. Je suis très ému de voir les images et de lire les histoires quotidiennes de ces gamins… traces fugaces laissées par une classe Freney… Je vais montrer celà à Lilou, ma petite-fille qui apprend actuellement le breton.Jean Visconti