Les biens du domaine royal et de certains nobles (les émigrés à partir du 30 mars 1792) suivirent le même sort. À Trégunc, les ventes eurent lieu aux enchères du 19 février 1791 au 26 février 1808.
Ces biens sont mis en vente afin de combler le déficit de l’État et, en principe, de permettre aux citoyens-paysans d’acquérir quelques lopins de terre. En fait, cela s’est souvent traduit par un transfert des propriétés du clergé et de la noblesse vers la bourgeoisie parfois associée aux hommes de loi et aux notaires.

Ainsi, dès 1791 et 1792, furent vendus les biens situés sur la commune de Trégunc et appartenant initialement à l’abbaye de Kerlot (au Cosquer), au prieuré de Loc-Maria (à Kerjean), à la Chapellenie de Saint-Urbain (à Kericuff) et aux Cordeliers de Quimper (à Cleun-Bihan et à Trémot). À partir de 1794, les propriétés et terres appartenant à la fabrique de Trégunc et à la noblesse émigrée furent vendues, notamment celles des familles Derval, Tinténiac, Guernisac et Salvert.

Sur la commune de Trégunc, 43 ventes eurent lieu. Elles pouvaient comporter des domaines, des manoirs, des maisons, des terres, des convenants, des chefs-rentes, des tenues, des journaux… Tous les actes de vente peuvent être consultés en salle de lecture des Archives départementales du Finistère à Quimper, série 1 Q.

Quelques exemples 

• Le 5 mars 1794, le manoir de Kervren mis à prix 12 200 livres fut attribué au citoyen Le Gorgeu au quatrième feu pour 18 300 livres. • La maison et les dépendances de Kerminaouët, appartenant à l’origine à « l’émigré Derval », furent vendues à François Pennec notaire le 5 mars 1794. À noter, sur l’acte de vente, « chapelles » au pluriel, est-ce une erreur ? De retour d’exil, Pauline de Derval, épouse Bonnafos, racheta le domaine.
• Le convenant de Kerangallou provenant de l’émigré Derval, affermé à Corentin Le Déréat « a été exposé à l’enchère sur une mise à prix de onze cent quatre-vingt-quatorze francs, après le premier feu il en a été successivement allumé douze autres pendant lesquels la plus forte enchère a été portée à quarante deux mille sept cent francs par le citoyen Billette ». En fin de l’acte, il est précisé que Billette agissait pour Joseph Marie Prouhet. Cet acte fut signé le 3 juillet 1798 (le franc existait depuis le 7 avril 1795). 
• Le convenant de « Kerbiguet » provenant de « l’émigré Tinténiac et affermé à Yves Ollivier » a été vendu au citoyen Prouhet pour le compte d’Yves Ollivier cultivateur domanier de Kerbiguet. La mise à prix a été fixée au premier feu à huit cent dix francs, au septième et dernier feu, l’enchère a été portée à quatre mille trois cents francs.

La loi dite du « milliard des émigrés » du 27 avril 1825 permit l’indemnisation des anciens propriétaires, en particulier les émigrés, qui avaient perdu leurs biens vendus comme biens nationaux.

Cette indemnisation se traduisit par le versement d’une rente de 3 %. Cette loi permit aussi de rassurer les acqué­reurs de biens nationaux. Ainsi l’État fut le grand perdant de cette opération.

Quelques précisions 

• Cordeliers : religieux de l’Ordre de St François d’Assise.
• Chapellenie : charge ou bénéfice du chapelain (prêtre chargé d’une chapelle).
• Fabrique : assemblée de laïques chargés de l’administration des biens de la communauté paroissiale.
• Convenant (ou domaine congéable) : contrat entre un propriétaire terrien (généralement le seigneur) et un exploitant agricole fixant le fermage annuel,
• Tenue : terre concédée à une personne non noble par un seigneur qui conserve la propriété pour n’accorder que la jouissance.
• Journal de terre : mesure agraire correspondant à la superficie qu’un paysan pouvait labourer avec son attelage en une journée.
• Des chefs-rentes : rente que doit verser un possesseur de terres nobles à son suzerain.