La seigneurie de Kergunus

Emplacement des vestiges du vieux château de Kergunus

La première mention connue de Kergunus se trouve dans le cartulaire de Quimper, en 1086, sous le nom de Kaerkennus 1 , nommé par nos anciens le Castellic ; un étang entourait l’ouvrage sur une grande partie comme le montre le cadastre de 1845.

Les noms des possesseurs avérés et de leur conjoint apparaissant pour la première fois dans le texte sont en gras.

D’autres bâtisses, enceintes et fortifications médiévales en pierre existaient dans la région 2. Les ruines des fortifications de Kergunus, toujours visibles au début du siècle dernier, ont fait l’objet en 1906 d’un article du chanoine Abgrall pour la Société archéologique du Finistère 3 (plan ci-contre). A Kergunus, un manoir est construit à l’endroit de la ferme actuelle, la période de la construction nous est inconnue mais beaucoup de nos manoirs anciens sont bâtis après les conflits de la fin du Moyen-Âge dans les dernières années du XIV e siècle.

Plan du vieux château de Kergunus établi par le chanoine Abgrall en 1906

Le premier seigneur connu de Kergunus est Charles de Keymerc’h, son arrière-grand-mère, Alix de Keymerc’h, héritière de la seigneurie du même nom à Bannalec, se marie vers 1350 avec Jehan du Hautbois et son petit-fils Yvon du Hautbois 4 (alias René ou René Yvin, selon certains auteurs) relèvera le nom de Keymerc’h.

Keraergugnuz au XV e siècle

En 1420, le duc Jean V érige Keymerc’h en baronnie, nous ne savons pas si Kergunus était déjà entré dans le patrimoine de cette dernière mais peut-être l’était-il depuis longtemps. Keraergugnuz est cité parmi les neuf manoirs nobles de Trégunc recensés à cette époque dans le dictionnaire d’Ogée (ingénieur géographe français 1728-1789 ). Yvon décède en 1425, sa veuve Jeanne de la Feuillée rend aveu pour la baronnie de Keymerc’h cette même année ; leur fils Charles de Keymerc’h, cité plus haut, apparaît dans la réformation de 1426, il est alors mineur et ses métayers au manoir de Kergunus sont Jehan Morice et son fils Guillaume 5.

Charles de Keymerc’h est chevalier banneret ; chambellan du duc, il est qualifié de Capitaine de Conq en 1457 et de Quimper quatre ans plus tard. En 1467, il apparaît commissaire de l’évêché de Cornouaille et figure dans la montre de ce dernier en 1481. Il est marié avec Marguerite de la Rocherousse, héritière de la branche aînée de cette famille originaire de Quessoy. Charles détient des biens (terres, manoirs, rentes) dans quasiment toutes les paroisses environnantes, il décède en 1485.

La seigneurie de Kergunus était autrefois appellée la sergentise féodée de Kerimmerch, son possesseur était sergent féodé 6 de Conq, tout comme le seigneur voisin du Chef-du-Bois 7, les Keymerch avaient aussi ce droit en la ville de Quimperlé en alternance avec les seigneurs du Hénant. Le fils de Charles, Charles (II) de Keymerc’h qualifié de seigneur de Keynmerch, du Haultboys et de la Rocherouxe, et donc aussi de Kergunus, Capitaine de Quimper en 1486 ; il épouse en 1453 Jeanne Le Barbu, héritière du Quilliou en Plogastel-Saint-Germain. Charles de Keymerc’h serait décédé le 30 juin 1521.

Thébaud de Keymerch, fils de Charles II, seigneur du Quilliou et Kerengar, se marie avec Jeanne de Couvran et meurt peu après son père en 1522 ; son frère cadet, Louis de Keymerc’h, devient le nouveau seigneur baron de Keymerc’h, il est marié à Françoise de Broons ; c’est sa fille, Françoise de Keymerc’h, qui hérite de la baronnie, elle épouse en 1526 Pierre de Tinténiac ; ils rendent aveu en 1534.

René de Tinténiac, seigneur de Keymerc’h, épouse  Renée de Carné en 1549 ; leur fils également prénommé René se marie avec Claude de Raccapé. Hiérosme de Tinténiac, seigneur de Keymerch en 1580, est le frère du précédent et s’est marié avec Jeanne de Kermeur en 1579, mais il semblerait que Kergunus soit déjà passé d’une façon encore inconnue aux seigneurs de la Porte-Neuve à Riec : les de Guer.

Au XVI e siècle

Voici un extrait d’un petit ouvrage consacré au château du Hénant 8 concernant la succession des biens d’Yvon de Guer (fils de Charles II et Françoise de Kervégant, frère héritier de François et Charles III), seigneur de la Porte-Neuve, du Hénant Kerimel (Moëlan), Kervichart (Lanriec) au profit de son fils héritier Charles IV de Guer : le 14 octobre 1617, messire Charles de Guer, seigneur de la Porte Neuve, de Kerimel, de Hennan etc. fait hommage au roi en sa chambre des comptes à Nantes (…) à lui échue de la succession de sondit père de la terre et seigneurie de Kergun dans la paroisse de Tréguens or, Yvon de Guer serait décédé en 1575.

La veuve d’Yvon de Guer, Catherine de Quélen devient tutrice de son fils Charles IV de Guer (neveu de Charles III), elle a aussi une fille, Jeanne de Guer, qui hérite de la seigneurie de Kergunus. Catherine de Quélen se remarie en 1583 avec François du Chastel, lui-même veuf de Marie de Keroulas dont il eut entre autres Vincent du Chastel, qui se marie avec Jeanne de Guer mais ils n’ont pas d’enfant. Kergunus revient donc, au tout début du XVIIe siècle, au frère de Jeanne, Charles IV de Guer, seigneur de la Porte-Neuve.

Charles IV se marie en 1598 avec Marie Papin de la Tévinière, dame de Pontcallec, descendante héritière des Malestroit, ils sont seigneur et dame de la baronnie de Pontcallec, de la Porte Neuve, du Hénant, Rustéphan, etc. et à Trégunc de Kergunus, et des petits manoirs de Stangven et la Rivière. Charles de Guer et sa femme auront six enfants dont Josias de Guer, l’aîné, seigneur de la Porte-Neuve, du Hénant et Kervichart, mais ce dernier décède sans enfant en 1625.

Au XVII e siècle

Olivier de Guer, frère cadet héritier de Josias, se marie avec Jeanne de Kermeno, il est seigneur de Kergunus ; quant à Kervichart, il passe à ses sœurs. Ollivier serait né en 1605, il meurt en 1642. A la suite du décès de Marie Papin, Jeanne de Kerméno organise la succession et le partage des biens en 1644.

Les seigneuries appartiennent ensuite à Alain de Guer, fils aîné d’Olivier, né en 1628 ; il épouse Renée Françoise de Lannion en 1649 et aura sept enfants. Il devient en 1657 le premier marquis de Pontcallec, son frère cadet Sébastien de Guer est qualifié en 1658 de seigneur baron de Heznant.

Les déboires d’Alain de Guer

Alain de Guer allait s’empêtrer dans des affaires juridiques, un ouvrage traitant de la seigneurie de Pontcallec 9 et qui détaille tous ses déboires qui firent s’affronter durablement créanciers et débiteurs autour des terres héritées de ses parents nous apprend que les ennuis commencent vers 1670 à la suite de plusieurs imprudences, notamment par une signature apposée à la légère ; des saisies réelles 10 récurrentes des terres de Pontcallec et de la Porte-Neuve commencent alors et ces affaires empoisonneront cette famille jusqu’au XIXe siècle.

En février 1673, Alain de Guer fait donation de tous ses biens à son fils aîné Charles René de Guer en contrepartie d’une pension et de la jouissance de la Porte Neuve, de fait il accepte aussi les dettes et ennuis relatifs aux affaires de son père. Le nouveau marquis de Pontcallec se marie en 1678 avec Bonne Louise le Voyer de Trégomar, dame de la Haye-Plenel en Normandie, ils auront au moins sept enfants. Charles René est capitaine dans l’armée du roi. En 1678, Alain de Guer, devenu veuf, entre dans les ordres.

En 1682, messire Charles René de Guer, marquis de Pontcallec, rend aveu pour Kergunus 11 : Le manoir seigneurial de Kergunus, bois de haute futaie, taillif, vergers, prés, prairies, étangs, garennes, colombier (…) à présent tenus et possédés à titre du convenant et domaine congéable sous ladite seigneurie par Armel Tudal etc. Les villages de Trégunc tenus à titre du convenant et domaine congéable sont Pouldohan, Kervarch, Kerlosquen, Keradroch, Kervraou, Kerouat, Trévignon et Kerdalé ainsi qu’une tenue à Tréméou. La seigneurie de Kergunus avait des droits seigneuriaux et percevait des rentes sur des terres et manoirs à Trégunc et d’autres paroisses environnantes.

Les ennuis juridiques continuent ; en 1684, le marquis de Pontcallec est débouté de certains de ses droits seigneuriaux et le manoir du Hénant est vendu. Charles René de Guer décède à Paris où il se trouvait pour ses affaires en juin 1695.

La juridiction de Kergunus s’étendait sur les paroisses de Trégunc et Lanriec, à l’est se trouvait celle du Hénant qui couvrait Névez et Nizon et au nord la juridiction de Coatcanton. Gilbert Baudry 12 précise : Si la juridiction du Hénant forme un ensemble territorial assez précis, celle de Kergunus est soumise à fluctuations qui tiennent aux changements de propriétaires et à l’emprise de la sénéchaussée royale de Concarneau. 

Après la mort de son fils héritier, il incombe à Alain de Guer de gérer les affaires familiales et, en 1698, son domaine et ses terres font l’objet d’un bail judiciaire : la maison noble de Quergune située en la paroisse de Trégunc (…) consistans en un corps de logis, un autre plus petit au bout (…) deux autres corps de petits logis (…) un autre corps de maison plus basse (…) le tout couvert de pailles, jardins, vergers, bois de haute futaye et de décoration, bois taillis, estangs, moulins à eaux et à vent, métairies, tenues, rolles rentiers, terres arables, fieffs et seigneuries, droits de prééminences et tous autres droits honorifiques (…) le tout saisie reellement sur messire Allain de Guer (…) à la requeste de messire Louis le Gall de Cunfio” (ADM B 273) 13 s’ensuivent la mise aux enchères et l’attribution du bail par adjudication, les terres seront louées à un certain Jean Daniel.

La ferme de Kergunus

Alain de Guer décède au cours de l’été 1702, la veuve de Charles René, Bonne Louise le Voyer, rend aveu la même année pour Kergunus, elle retourne sur ses terres de Normandie et y meurt en 1725.

Le fils aîné de Charles René, Chrysogon Clément de Guer, né en 1679, hérite. Il est décapité à Nantes en 1720 à la suite d’une affaire connue sous le nom de conspiration de Pontcallec, un groupe de nobles s’étant révolté contre l’autorité du roi. Henri de Guer, officier de marine, son frère de deux ans son cadet, devient le marquis de Pontcallec mais décède sans postérité, c’est donc un autre frère, Claude René de Guer (1684-1744), qui hérite en 1721 des biens (et des dettes) de la famille, il se marie avec Roberte Angélique le Veyer, elle rend aveu pour Kergunus en 1745.

Plus tard, Louis Joseph Armand Corentin de Guer (1738-1797), le cadet de leurs enfants hérite, il est qualifié de chevalier, comte de Guer et de Malestroit 14, marquis de Pontcallec, baron de la Porteneuve et seigneur de Kergunus ; il est le dernier des de Guer-Pontcallec et n’a pas de descendant, c’est pourquoi il adopte son filleul.

Lors de la révolution, le marquis se trouvai à Paris, se garda d’émigrer et de se mêler de chouannerie, de sorte qu’il ne fut pas inquiété semble-t-il15. Kergunus n’est déjà plus habité noblement et, dès 1763, on trouve les terres de Kergunus travaillées par la famille Le Beux, et ce durant plus d’un siècle.

Armand Auguste Montplaisir, vicomte de Bruc, né en 1791, est donc adopté en 1796 par son parrain, le marquis de Pontcallec, et hérite de ses biens, dont Kergunus. Le vicomte de Bruc prit le nom de Malestroit et se maria avec Blanche Joséphine de Cossé Brissac en 1813.

Le 15 juillet 1811, le tribunal de Rennes met fin à la procédure entamée en 1670 : le tribunal donne main levée pleine et entière de la saisie réelle apposée sur les biens de la famille de Guer Malestroit de Pontcallec, consistant en les terres de Pontcallec, de la Porte Neuve et Kergunus.

Le 20 novembre 1818, le vicomte vend Kergunus, alors qualifié de ferme, au notaire Joseph Prouhet pour 4000 F, Vincent Le Beux était alors le locataire des terres. Pontcallec sera vendu en 1825 et la Porte Neuve en 1834.

Les armes de la famille de Guer et de la Porte Neuve.

Les armes de la famille de Guer et de la Porte Neuve.

D’azur à sept mâcles d’or au franc-canton d’argent fretté de huit pièces de gueules.
Le franc-canton est une marque de juveigneurie rajoutée sur des armes d’origines, il peut, et c’est le cas ici, masquer un élément du blason. Ces armes sont aujourd’hui toujours visibles dans des édifices religieux à Névez, Riec et Mellac et autrefois dans la plupart des églises et chapelles du secteur 16 .

Sources et annotations