La canne gravée de Pierre Carduner
En juin 2008, j’ai reçu une lettre du proviseur du lycée de Gif sur Yvette dans l’Essonne. L’infirmière du lycée avait exhumé de son grenier une canne que son grand-père avait rapportée de sa déportation …

L’enquête qu’avait menée le proviseur auprès des services du “Mémorial de la Shoah” lui permit d’identifier le propriétaire de la canne. Le numéro était le matricule d’un certain Pierre Carduner, résistant, déporté, né à Tregin, mort à Dachau le 10 février 1945. Mais rien de plus.
Par sa lettre, adressée à la trentaine de Carduner qui figurent dans les annuaires de la région parisienne, le proviseur du lycée cherchait à retrouver des descendants éventuels de Pierre Carduner pour leur remettre cette canne 1
J’avais trouvé que « Tregin » ressemblait fort à “Trégunc”. En tant qu’adhérent au Centre Généalogique du Finistère j’avais accédé au fichier des victimes militaires et civiles de conflits de la banque de données “Généabank”. J’avais la confirmation qu’il fallait lire Trégunc et non Tregin 2.
Pierre Carduner existait bien sur les registres de la mairie de Trégunc. Son acte de naissance du 12 août 1897 m’apprenait qu’il était le fils de Yves Carduner, marin-pêcheur, et de Marie Le Don, repasseuse, tous deux nés à Trégunc. En marge on lisait : décédé à Dachau.
Mais quelle fut la vie de Pierre Carduner ?
Je me suis souvenu qu’à Lanriec, il existait une rue “Carduner”. Je m’y suis rendu. Le panneau de rue mentionnait “Pierre Carduner, déporté, 1897-1945”. Le nom figurait également sur le monument aux morts.
A Lanriec, j’ai rencontré des gens qui avaient connu “Pierrot” Carduner et qui m’ont relaté ses faits de résistance. Pierrot était communiste. Sa petite maison 3 qui servait aussi de salon de coiffure était une plaque tournante de la résistance. Dénoncé, il a été arrêté par les forces de police. On m’assurait qu’il avait des descendants mais sans pouvoir en dire plus.
À la mairie de Lanriec j’ai appris qu’il s’était marié avec Perrine le Bourhis et qu’ils avaient eu trois enfants : Louis, Jeanine et Pierre 4. C’est lors d’une exposition de cartes postales à l’école de Lanriec que j’ai vu la photo d’une bretonne en costume du nom de Perrine Le Bourhis. J’ai alors fait la connaissance d’une nièce de Perrine qui m’a appris que le fils Pierre avait deux filles, l’une habite Brest, l’autre Ergué Gabéric. Ces deux personnes ont été à la fois surprises et émues d’apprendre cette histoire. Ma mission était terminée ; il me restait à mettre en contact cette famille et le Lycée de Gif sur Yvette (sans avoir trouvé de lien généalogique entre ma famille et celle de notre héros).

La canne a été remise à la famille lors d’une cérémonie au lycée de Gif sur Yvette le 5 juin 2010, quelques mois après le décès du fils Pierre qui n’aura pu voir la canne que son père avait sculptée à Dachau.
Les descendants de Pierre Carduner, ne veulent pas rester dans l’ignorance de leurs ancêtres et, aujourd’hui, ils souhaitent connaitre les détails de la vie d’Yves Carduner, le marin-pêcheur et Marie Le Don, la repasseuse, de Trégunc. Yves Yan et Pierre Carriou témoigneront avoir vu Pierre Carduner au camp de Dachau 5.